Entrevue avec Valérie Doucet
TOHU : Quelle a été l’inspiration pour ce spectacle?
Valérie Doucet : Le projet est né d’une résidence à La TOHU, d’après le concept de Benoit Landry, (directeur artistique de Nord Nord Est et metteur en scène), explorant la dualité dans chaque être humain. L’exploration était très physique, près de la performance, dans une quête de l’élan vital. Après le premier spectacle de la compagnie : Le Voyage d’hiver, sobre et contemplatif, Benoit avait envie d’aller à l’opposé, justement, vers l’éclatement, l’élan, le mouvement. Dans cette optique, nous avons travaillé sur l’idée de suivre quelqu’un dans un mouvement ininterrompu tout au long d’un parcours. Le parcours a disparu, mais la notion de l’élan vital est toujours là.
TOHU : Quel a été le processus de création?
Valérie Doucet : La 2e étape du travail s’est concentrée sur une exploration sensorielle, une recherche d’états d’être : comment les états se manifestent dans le corps? Ça a été une période intense d’improvisation sur musique, toujours en connexion avec le thème de départ qui est la dualité : le rapport avec soi, le déni, comment on peut être son propre bourreau, les combats que l’on mène contre soi-même. Au contraire de ce que la performance exige, le travail s’est fait de l’intérieur vers l’extérieur, dans une zone de très grande intimité.
TOHU : Quelle est votre place en tant qu’artiste dans la création?
Valérie Doucet : Benoit est un guide très instinctif, et il fait beaucoup de place à nos improvisations, à la créativité : créer à mesure, avec ce qu’il advient, ce qui jaillit, ce qui cherche à s’exprimer. Comme contorsionniste, ma discipline permet la métamorphose du corps, pour explorer le rapport un peu tordu que la dualité crée. Ça a permis d’explorer les extrêmes, justement, ce qui évoque les limites. On se rapproche de la danse, mais ce qu’on garde du cirque, c’est l’élément de danger.
TOHU : Comment ce spectacle s’intègre-t-il dans votre carrière?
Valérie Doucet : Je ne pense pas à ma carrière, du moins je ne la planifie pas. J’ai eu la chance de travailler avec plusieurs compagnies et de partager la scène avec des artistes inspirants de qui j’ai beaucoup appris, et de qui j’apprends toujours. Je suis la somme de toutes les influences que j’ai reçues, de toutes les rencontres que j’ai faites, et je n’ai pas de contrôle sur la façon dont elles m’ont transformée. Ce spectacle est né de ma rencontre avec Benoit. Nous l’avons développé pendant deux ans sans idée préconçue du format qu’il aurait au final.
TOHU : Parlez-nous de votre perception du cirque québécois
Valérie Doucet : Ici, tout est centralisé, ce qui fait que la communauté québécoise est très soudée, nous travaillons tous ensemble. Le respect entre artistes est très grand. Par contre, je crois que le milieu gagnera à se diversifier et à se développer à une plus petite échelle. Il faut continuer notre travail d’ouverture : pour que l’art circassien puisse se manifester dans sa multidisciplinarité et pour que le public puisse se familiariser avec ses différentes formes d’expression. En ce sens, il est primordial de remercier la TOHU et le Cirque Éloize pour le soutien qu’ils nous ont offert en nous permettant de créer dans leurs locaux. De telles initiatives contribuent à faire fleurir la création au Québec.