Rencontre avec Barcode
En janvier dernier, la TOHU devait présenter le spectacle De sueur et d‘encre du Cirque Barcode, ce qui n’a pu être possible pour les raisons que nous connaissons tous. Le Cirque Barcode a profité de l’opportunité d’avoir la salle de la TOHU à sa disposition pour organiser une captation vidéo du spectacle. Grâce au partenariat entre le CALQ et la TOHU, la compagnie de cirque québécoise a pu passer 10 jours dans les locaux de la TOHU, concentrant ses efforts sur 5 jours de tournage avec 3 caméras. Par la suite, des rencontres acrobatiques ont été organisées avec une partie des artistes participant au projet Branché, spectacle de création in situ pour 8 acrobates, collaboration entre le Cirque Barcode et Acting For Climate Montréal.
Parlez-nous du spectacle, quel est le fil conducteur et à quoi les spectateurs peuvent-il s’attendre?
De sueur et d’encre est un spectacle de cirque contemporain et théâtral qui traite des différentes facettes de la mémoire. L’histoire tourne autour d’un groupe d’amis, dont l’un perd la mémoire lors d’un accident. Par la suite, quatre histoires individuelles s’entrecroisent, un peu comme si le film Crash rencontrerait Eternal Sunshine of the Spotless Mind et le cirque. Il y a des acrobaties, de la jonglerie de boîtes de cigares, une barre russe, du main à main, une planche coréenne, un cerceau aérien, mais aussi quatre personnages avec quatre batailles personnelles qu’ils tentent de surmonter tout au long du spectacle. C’est un spectacle amusant, mais pas nécessairement facile. Nous l’avons conçu de manière à ce qu’il soit divertissant à regarder et qu’il ait aussi une profondeur qui porte à réfléchir et laisse place à de vraies discussions.
Le spectacle De sueur et d’encre est votre première création de spectacle complet en tant que compagnie. Qu’est-ce que cela implique comme travail par rapport à la création de numéros?
La réalisation des numéros acrobatiques pour un spectacle est similaire à la réalisation de numéros individuels. Par contre, la différence réside dans la création d’une histoire plus complexe et l’élaboration des traits de ses personnages. C’est beaucoup plus de travail que pour une pièce de cinq minutes. Vous devez penser au fil conducteur, à la façon dont les personnages se relient, interagissent et se transforment. À bien des égards, c’est vraiment passionnant parce que vous ne pouvez pas simplement faire les choses comme vous les faisiez auparavant, vous avez de nouvelles limites basées sur ce monde que vous construisez tout au long du spectacle. Nous avons aussi beaucoup plus de liberté pour créer des scènes qui ne portent pas nécessairement sur nos spécialités de cirque individuelles. Nous pouvons essayer de nouvelles idées qui nous inspirent et qui s’allient parfaitement avec la trame du spectacle, sans nécessairement impliquer un cerceau aérien ou la barre russe, par exemple.
Depuis combien de temps travaillez-vous sur le spectacle?
Nous avons commencé à travailler sur le spectacle en 2018, lors de nos premiers ateliers et résidences. Un an plus tard, nous sommes allés à Prague pour une grande période de création où nous avons réalisé les costumes, les lumières et la musique sur mesure. En 2019, nous avons fait et joué une nouvelle version avec une plus grande distribution en Suisse, tout en continuant à nous approprier notre spectacle et en le faisant évoluer. Puis nous avons fait un autre bloc de création au début de 2020, où nous devions commencer une tournée européenne lorsque la pandémie est arrivée. Nous avons dû annuler la veille de notre première et avons ramené tout le monde chez soi par avion. Maintenant, en 2021, nous avons la possibilité de filmer le spectacle, ce qui est en fait vraiment super parce que cela nous permet de positionner l’histoire de ces quatre personnages exactement comme nous le voulons. On voit vraiment chaque moment, chaque émotion et transformation. Mais nous sommes très impatients de pouvoir jouer réellement devant public un jour!
Les 4 artistes se sont aussi portés au jeu des questions en rafales!
Le dernier spectacle dans lequel vous avez joué?
Eric Bates et Tristan Nielsen : En septembre dernier, Barcode a participé à une création en plein air avec Elemen’terre, un projet environnemental qui a navigué vers différentes îles de France sur le bateau Pen Duick VI. Et avant cela, ç’a été Vitori avec le Cirque du Soleil.
Eve Bigel : Nous devions jouer les premières représentations de De sueur et d’encre en Suisse le 17 mars dernier, malheureusement ça n’a pas pu être se passer… Comme pour les autres, le dernier projet dans lequel j’ai été impliquée était Elemen’Terre. Cinq mini-créations en cinq semaines, et pour chacune : nouveau thème, nouvelle approche, nouvelles idées et recherches. Un projet très intéressant, stimulant et épuisant! Avant cela, ça été la Fête des Neiges en février dernier (2020), à Montréal, avec Tristan: un duo à l’extérieur à -25°C avec bottes et gants…
Alexandra Royer : Tout comme Éric et Tristan, j’ai participé à la tournée des îles du Ponant avec le projet Elemen’Terre, en Bretagne, à bord du mythique voilier Pen Duick VI. Juste avant cela, j’ai eu l’occasion de jouer dans le cadre d’un festival incroyable qui s’appelle Cirque au Sommet, en Suisse et qui se passe à moitié sous chapiteau et dans les montagnes. Enfin, nous avons eu la chance d’organiser et de participer à un atelier pour la création du spectacle Branché (une collaboration entre Acting For Climate Montréal et Barcode) et d’improviser en groupe dans la forêt, un merveilleux lieu de création qui s’appelle Hors Champs qui se trouve dans les Cantons de l’Est. C’était certainement la bonne année pour « aller jouer dehors »!
Le dernier spectacle de cirque que vous avez vu?
Eric : Wow, ce n’est pas facile comme question! Le dernier spectacle que j’ai vu en direct était probablement une répétition pour La Galerie de Machine de Cirque juste avant que la COVID arrive.
Tristan : Ouf oui, oui bonne question! Je pense que ce devait être Passagers (Les 7 doigts) à Graz en Autriche le 31 décembre 2019…
Eve : En France, le festival Circa, à Auch, a pu avoir lieu juste avant le deuxième confinement et la fermeture tous les lieux culturels. J’étais tellement heureuse d’avoir l’occasion de soutenir des artistes sur scène, que j’y ai vu presque 10 spectacles en 3 jours. Le tout dernier : Desiderata, de la cie Cabas.
Alexandra : Tout comme Eve, j’ai eu le bonheur d’aller au Festival Circa. En une seule semaine j’ai pu voir : Ghost Light de Machine de Cirque, Desiderata de la cie Cabas, K de Kurz Davor, Low Cost Paradise du Cirque Pardi, Don’t feed the aligators de 100 issues, Fournaise repris par les élèves de 2e année du CNAC, Chimera de Circo Aereo, Tres de Zede, Un contre un de l’Oubliée, FIQ du Groupe acrobatique de Tanger, De la colle pour vos âmes du LIDO et Une pelle de Olivier Debelhoir.
Puis lors du festival en Suisse: Dans ton coeur de la cie Akoreacro, L’avis bidon du Cirque la compagnie, La fuite de Mathias Pilet, L’envers de la compagnie Ici Bas, Insaisissable de la cie L’insaisissable en plus du Gala du festival présenté par l’unique Calixte De Nigremont.
Bref ces moments « du monde d’avant » m’ont semblé complètement surréalistes. Chanceux et téméraires, leurs organisateurs nous auront permis entre deux confinements de respirer. D’envisager à nouveau les tournées et la création.
Quelle est la dernière chose qui vous a émue ?
Eric : Je suis en train de monter la vidéo de De sueur et d’encre. J‘ai donc le privilège de les voir chaque soir après chaque jour de tournage. Il y a une scène dans le spectacle où Eve a des Post-its partout sur elle, une sorte de jeu d’étiquetage qui est allé trop loin. Il y a un gros plan d’elle assise seule, lisant ces notes, voyant ce que les gens pensent d’elle – en bien et en mal, et elle est tellement vulnérable, ça m’a vraiment touché. Je peux me projeter dans ce sentiment de réalisation personnelle : Suis-je vraiment comme ça ? Est-ce que les gens pensent vraiment cela de moi ? Mais aussi si vous recevez un mot gentil de quelqu’un que vous respectez et qui vous motive ; ce sont deux sentiments tellement universels, mais profondément personnels, et voir cela sur le visage d’Eve lorsqu’elle a réagi à chacun de ces petits mots m’a vraiment touché.
Tristan : Biden devient président des États-Unis et nomme un cabinet qui représente la diversité réelle du pays. Voir les gens de tout le pays enfin pouvoir s’identifier à leurs dirigeants et aspirer à remplir eux-mêmes un jour ces rôles.
Eve : Avec la réponse d’Eric, ça donne à penser que notre vie tourne autour de ce tournage, mais… bon, ces derniers jours, nos journées et nos pensées n’ont été remplies que de ça, c’est donc vrai. Alors, la dernière chose qui m’a profondément émue : la musique que nous a composée Betty Bonifassi pour le spectacle. Chaque scène devient subitement mon moment favori du spectacle dès que la musique que Betty lui a écrite est entamée. Tout me bouleverse là-dedans, et par-dessus tout… sa voix !
Alexandra : Parler avec ou de Betty, ainsi que la musique qu’elle a créée pour De Sueur et d’encre m’émeut toujours aussi… Je suis pleine de gratitude pour l’opportunité immense que la TOHU et le CALQ ont offerte à notre jeune compagnie et au spectacle. J’ai été aussi heureuse de réaliser combien de gens ont envie de prendre soin de l’environnement, lors de projets tels que Branché et Elemen’Terre, ou encore au Festival Cirque au Sommet. Je suis de plus en plus convaincue que ce pont, vers une conscience collective plus grande, peut être l’art. Que le développement durable passe par la culture.
Voici quelques photos du spectacle :
Pour en savoir plus sur la compagnie de cirque Barcode : https://fr.barcodecircuscompany.com/
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